Achevant la rédaction de La Petite Sirène (1837), Hans Christian Andersen confesse : « c’est le seul de mes travaux qui m’ait ému moi-même tandis que je l’écrivais». La fille des mers de l’écrivain danois appartient à l’immense courant des  figures de nymphes, de jeunes femmes associées à la nature, qui ne cessent de refaire surface – des rêveries du romantisme aux mystères du symbolisme, aux volutes de l’Art nouveau

La transposition en ronde-bosse que Niels Hansen Jacobsen donne de la Petite Sirène en 1901 inscrit le corps serpentin de l’ondine dans une dynamique tournoyante. Les prouesses ornementales des compositions de Jens Lund – compatriote de Hansen Jacobsen à la Cité fleurie – ressortissent aussi à la logique de l’arabesque. L’ambivalence de ce rythme plastique induit des images de désir et de mort qui affleurent dans l’eau fuyante des aquarelles de Gustave Moreau, dans les songes océaniques du Danois Henry Brokman ou le flux ténébreux des lithographies d’Odilon Redon.

La céramique organique de Jean Carriès et de Hansen Jacobsen, les teintes écumeuses et la matière vitreuse des pâtes de verres de François Décorchemont et de Georges Despret invitent à une méditation sur l’imagination de la matière, à une rêverie sur « l’eau féminine », selon l’expression de Gaston Bachelard (L’eau et les rêves, 1941), et ses mystères. L’opalescence irisée de la pièce du verrieraméricain Louis-Comfort Tiffany évoque irrésistiblement « l’ombrelle vivante » de la méduse aux « fins cheveux qui sont ses organes pour respirer, absorber et même aimer» (Jules Michelet, La Mer, 1875).

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