Parce qu’il résume l’être à sa simple face, parce qu’il en est l’abrégé saisissant, le masque est une forme largement plébiscitée par les artistes de la fin du XIXe siècle, en quête d’expressions synthétiques et de symboles puissants. À ce titre, le Japon et ses masques du théâtre de Nô, dont Bourdelle conservait un exemplaire, fut un réservoir majeur, riche de mille et une variations. Tandis que certaines de ses céramiques ressortissent au genre du portrait naturaliste, N.H. Jacobsen présente à l’Exposition universelle de 1900 une allégorie proprement cauchemardesque avec son Masque de l’Automne.
Le masque, qui fige le vivant au point de le pétrifier, est moins un « décor suborneur » que l’apparition de « la véritable tête et la sincère face » (Charles Baudelaire, « Le Masque », Les Fleurs du Mal, 1861). Avec ses plis et ses viscosités, avec ses yeux énucléés ou sa langue caressant un serpent, le masque fixe la mort à l’oeuvre, et dévoile la sexualité la plus archaïque. Le masque, cette tête décapitée de Jean-Baptiste que contemple la Salomé au jardin (1871) de Gustave Moreau, renvoie inexorablement à Méduse, cette gorgone mortelle dont Persée parvint à trancher la tête maléfique. À cet égard, Antoine Bourdelle, Pierre-Amédée Marcel-Berroneau et surtout Arnold Böcklin, avec sa Méduse effrayée (1897), ont livré des images d’autant plus médusantes qu’elles réunissent, sur une même face, Eros et Thanatos, l’amour et la mort.

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