En avril 1911, Bourdelle écrit à des amis : « Je médite de faire une nouvelle grande figure pour n'en pas perdre l'habitude et cela sans hâte car j'ai des modèles prêts pour dix ans. » Cette nouvelle méditation donne corps au Centaure mourant dont il existe deux versions, l’une barbue, l’autre imberbe. Ce chef-d’œuvre est la transposition de La Mort du dernier Centaure, une fresque à laquelle Bourdelle travaille alors pour le théâtre des Champs-Élysées et qu’il avoue comme « la plus proche de [s]a sensibilité. » Elle révèle en effet toute la charge symbolique dont le sculpteur investit la figure de l’homme-cheval, véritable double du créateur aux prises avec la matière. Dans la première petite étude modelée en 1911, on retrouve la figure du centaure mais la transcription en ronde bosse conduit le sculpteur à modifier la position des bras, à ajouter une lyre. Cette étude saisit le maire de Buenos-Aires, Jorge Lavalle Cobo, qui passe commande d’une version monumentale en bronze, en juillet 1912. Au début de l’année 1914, Bourdelle procède à la mise au point du modèle intermédiaire avant de mettre la dernière main, en juin, au modèle en terre à grandeur définitive et au moulage du Centaure mourant. Fondue par Rudier en 1915, la première épreuve en bronze gagne Buenos Aires en septembre 1916, où elle se trouve toujours. Lorsque Bourdelle s’éteint le 1er octobre 1929, son cercueil est déposé sous le plâtre de la créature fabuleuse que sa veuve a rapatrié dans l’atelier de sculpture : «Le Centaure mourant, écrit Claude Aveline, prend une signification nouvelle. […] Il semble n’avoir été conçu qu’afin de se retrouver ce soir, à cette place. » Une place désormais consacrée dans le recueillement de l’atelier-musée.
Jérôme Godeau
Suivez l’actualité du musée Bourdelle
Abonnez-vous à notre newsletter