Présentée au Salon de la Société nationale des beaux-arts de 1912, au centre du grand hall, Pénélope espère le retour d’Ulysse. Enserrée dans sa tunique aux plis cannelés, un bras à la taille, l’autre soutenant son menton, cette présence magistrale est l’objet de tous les regards. Et de vives polémiques car une partie du public et de la critique s’avoue désarçonnée par le « curieux retour à l’archaïsme » d’une figure taillée comme une colonne dorique. Au regard des productions académiques du Salon, le plâtre de Pénélope est foncièrement novateur. Sept ans durant (1905-1912), Bourdelle a travaillé à ce chef d’œuvre de l’attente ardente qui ponctue son histoire personnelle : on y retrouve à la fois la physionomie de Stéphanie Van Parys, sa première épouse, et la posture de Cléopâtre Sevastos, sa nouvelle muse… Mais Pénélope est d’abord le fruit d’une relecture audacieuse de la statuaire funéraire de la Grèce antique, des figurines exhumées des tombes de Tanagra (IVe av. J.-C.). Bourdelle renverse l’équilibre des proportions, pousse à l’extrême l’art de la synthèse et du monumental. Une monumentalité décuplée par les deux blocs du socle d’où s’élance cette colonne charnelle. Indissociable de l’œuvre, cette réflexion plastique sur le socle ouvre le champ à la sculpture moderne, aux expérimentations de Constantin Brancusi et d’Alberto Giacometti.
Jérôme Godeau
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