La terre est la matière première d’un sculpteur mais l’achèvement de son œuvre en bronze requiert l’intervention de fondeurs, ou en marbre celle de praticiens. En revanche le grès émaillé permet de se réapproprier la totalité du geste créateur : modelage, émaillage puis cuisson – les hasards du feu font de chaque objet une pièce unique.
La découverte des pots en grès du Japon à l’Exposition Universelle de 1878 est une révolution artistique. Formes végétales, construction asymétrique, terres irrégulières, émaux luisants ou mats, coulures et surépaisseurs – ces grès japonais sont ardemment recherchés des collectionneurs comme des sculpteurs devenus potiers.
Au Salon de la Société nationale des beaux-arts de 1892, tous les grands noms de la céramique d’avant-garde se côtoient : Chaplet, Dalpayrat, Dammouse, Deck, Delaherche, Gauguin, Lachenal, puis Bigot, Jeanneney… et Carriès, le voisin du 65 Boulevard Arago, l’un des plus audacieux.
N.H. Jacobsen se met au grès dès 1894 – peut-être sous l’influence du céramiste Carriès ? – et sa production, exposée à Paris entre 1898 et 1903, se distingue, plus fruste, plus expérimentale : des pots aux formes ambigües, des couvertes coulant comme des humeurs corporelles, des agrégats de matières brutes, des cloisons de métal chantournées…
De retour au Danemark, Jacobsen poursuit ses recherches alchimistes jusqu’à sa mort ; il aura soin que ses recettes d’émaillage disparaissent avec lui.

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