Conçu par Niels Hansen Jacobsen au cours d’un séjour au Danemark en 1896, Troll qui flaire la chair de chrétiens s’inspire d’une figure immémoriale du folklore scandinave. Une queue, des cornes, des serres en forme de pince à trois doigts – déni diabolique de la Trinité du christianisme ? Aux aguets dans la forêt des origines, la créature bestiale renvoie aux pulsions premières et dévoratrices. La logique formelle du Troll naît d’un riche humus de références vernaculaires et plastiques. 

Le processus dynamique de l’hybridation est directement inspiré de Paul Gauguin, des pots anthropomorphes et zoomorphes du céramiste qui joue avec le feu pour célébrer l’ensauvagement de l’artiste. À l’instar de Gauguin, les grès émaillés de Carriès et de Hansen Jacobsen font surgir de la « fournaise intérieure » (Paul Gauguin) les monstres primitifs de l’oralité cannibale, tout à la fois pour les invoquer et les conjurer.

Rien de plus pertinent que de coupler le symbolisme, symbolus (latin) ou sumbolon (grec), signe de ce qui unit l’esprit au monde, à son contraire : le diabolisme, dia-bolos, le signe qui divise, qui sépare, qui oppose. La faim éperdue de l’unité primordiale se double de la hantise de dislocation, de l’angoisse d’être dévoré en retour. Une angoisse qui trouve son expression symbolique et plastique dans les figures de sorcières, de louves qui ressurgissent dans l’aquarelle d’Eugène Grasset, Trois femmes et trois loups (vers 1900), dans l’huile incandescente de Paul Ranson, la Sorcière au Chat noir (1893).

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