Insaisissable par nature, l’ombre est une figure de l’impermanence, de l’incertitude, voire de la mort. 

Elle est aussi « signature du réel », pour reprendre les termes de Clément Rosset (2004), car seul un corps tangible peut projeter une ombre. De cette noirceur équivoque, les symbolistes tirent un surcroît de sens : l’ombre agit comme révélateur de l’irrationnel, de la part incontrôlée mais nécessaire de soi-même. 

Son royaume est celui des bêtes hybrides et nocturnes qui hantent les céramiques de Hansen Jacobsen, la gravure de Frantisek Kupka, la photographie de Brassaï et La Nuit (1894) de Victor Prouvé. Mais ce chef-d’oeuvre symboliste renvoie aussi aux travaux, contemporains de ceux de Hansen Jacobsen, sur l’exploration des rêves, aux recherches sur le sommeil et l’hypnose de l’École psychiatrique de Nancy.

Des contrées obscures du psychisme surgissent les apparitions cauchemardesques du Chopin de Boleslas Biegas, les visions fantomatiques des plaques de verre de Bourdelle. Les arabesques ténébreuses de Jens Lund laissent émerger d’inavouables désirs qui assaillent, comme autant de doubles menaçants, la figure masculine du marbre de Bourdelle ou le masque aux yeux clos de la broche de Grasset : « Je est un autre », selon la formule d’Arthur Rimbaud...

Transcription plastique du conte éponyme d’Hans Christian Andersen (1847) où le savant qui a donné congé à son ombre en devient la victime, L’Ombre (1897) de Hansen Jacobsen renvoie à on ne sait quelle évidence sinistre : ce « long haillon » se plie, se déplie et se dilate comme la draperie d’une vague qui aurait englouti le corps dont elle était la projection.

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