Beethoven est un astre sombre, crépusculaire. Et si Bourdelle ose regarder le soleil noir en face(s), il ne saurait se résoudre à livrer de simples têtes et de simples masques. Nombreuses, ses recherches sculptées sont extrêmement variées, et inventives. Le compositeur apparaît tantôt sur un rocher, en idole romantique, tantôt sur la croix, en Christ païen. Fragment énigmatique, la Main de Beethoven rappelle que toute sculpture est un corps en morceaux tandis que l’Esquisse inachevée se souvient du non finito à l’œuvre chez Michel-Ange ou chez Rodin.

Comme souvent, Bourdelle ne saurait se contenter de la sculpture pour circonscrire un sujet et en appréhender la singularité.

Afin de construire, selon ses propres mots, un « orchestre silencieux », Bourdelle entend réinvestir l’image de Beethoven en sorte de n’être pas « qu’un miroir ou qu’un phonographe », simple enregistreur docile du réel. À ce titre, la photographie et le dessin sont remarquables : tandis que la première lui souffle des formes énigmatiques et des compositions spéculaires, savamment conçues en miroir, le second lui permet aussi bien d’affirmer sa « manière noire », au fusain et à l’encre, que de mettre en couleurs ses investigations. Serait-elle en deux dimensions, la figure de Beethoven peut gagner en épaisseur.

Les archives, enfin, attestent l’ampleur des recherches de Bourdelle, qui compulse des ouvrages, compile les documents et compose des cahiers. Assurément, tout est bon qui peut alimenter une obsession. Mais rien ne vaut cet étonnant masque sur le vif de Beethoven, ce double fidèle du compositeur qui permet, in absentia, de donner corps au génie disparu.

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