• Antoine Bourdelle (1861-1929)

  • 50 x 35,7 x 18,9 cm
  • 1927
  • Terre sèche
  • MBTE4573
  • Paris, musée Bourdelle
  • Atelier de sculptures

La Roumaine, un des plus beaux bustes féminins de Bourdelle, est inspirée de Fanny Moscovici (1901-1969), une des nombreuses élèves roumaines de Bourdelle à l’Académie de la Grande Chaumière et sa praticienne à l’atelier, de 1925 à 1928. Après des débuts au Salon à Paris et à Bucarest en 1926 et 1927, elle épousa le médecin Sigismond Fainsilber et abandonna alors la sculpture pour l'assister. À la mort de Bourdelle, elle se rendit au Vésinet avec d’autres élèves, où elle dessina le maître sur son lit de mort (MBCO484). 

Bourdelle prit souvent pour modèle ses élèves féminines de l’atelier et titrait les œuvres d’après l’origine géographique du modèle[1] : L’élève allemande, L’Irlandaise, la Chilienne… manière d’affirmer peut-être sa volonté de créer des idéaux féminins plus que des portraits.

Le musée conserve plusieurs photographies de Fanny Moscovici parmi les élèves (MBPV3667) ou à l’atelier, ainsi qu’un portrait en costume folklorique (MBPV4464).

La comparaison avec les photographies, montre la liberté prise par Bourdelle avec son modèle, dont il a surtout retenu la régularité des traits, les cheveux lissés  en bandeaux et les tresses nouées sur la nuque.

Le visage synthétique de la Roumaine (nez droit, arcades sourcilières marquées, yeux en amandes, bas du visage géométrisé) et son port de tête altier ne rappellent guère la douce physionomie aux rondeurs encore adolescentes de Fanny Moscovici. Deux dessins préparatoires montrent comment Bourdelle passe d’un portrait réaliste (MBD2621) à un visage désindividualisé (MBD2622).

L’artiste choisit une pose originale, le buste de face, mais le visage résolument de profil, ce qui renforce son caractère presque héraldique, et évoque la Tête de la Victoire du Monument Alvéar (1917, elle aussi nattée, MBPL4265). La pose, par la mise en valeur de la coiffure, souligne l’aspect décoratif de l’œuvre, également sensible dans le plissé de la blouse, fermée par un cordon à pompons.

L’artiste photographia et fit mouler l’œuvre en cours de travail, comme l’indique la mention de la main de Bourdelle au dos d’un cliché (MBPH2035) : « Ebauche de buste. / 1927. Ant Bourdelle. / après moulage ».

Le buste (en bronze) fut présenté pour la première fois en 1931, lors de l’exposition rétrospective d’Antoine Bourdelle à l’Orangerie des Tuileries.

 

La terre de la Roumaine est très émouvante parce que l’on approche la création au plus près : elle est modelée sur une structure en métal fixée sur une planchette de bois, l’empreinte d’un pouce est encore visible sur un pli de la blouse ; il subsiste un peu de plâtre dans les creux, témoignant de la prise d’empreinte du moule. Elle nous touche aussi en raison de sa vulnérabilité : la terre a séché et s’est fissurée, rendant l’œuvre fragile, il manque des fragments.
Depuis l’ouverture du musée en 1949[2], elle est présentée dans l’atelier de sculpture.



[1] Musée Bourdelle, Transmission / Transgression, cat. expo. Paris, 2018, p. 102-111

[2] Ateliers Antoine Bourdelle, livret du musée, 1949, n°182

 

Autor de la nota : Valérie Montalbetti