• Anonyme

  • 32,3 x 14,4 x 10,7 cm
  • SD
  • Fer, bois et cuir
  • MBCO563
  • Paris, musée Bourdelle
  • Atelier de sculpture

Accrochée au mur de l’atelier de sculpture, une cloche d’alpage rappelle les origines familiales de Bourdelle, "fils du Quercy" :  l’artiste, petit-fils de chevrier, mettait quelque orgueil à dire qu'il avait gardé les troupeaux dans son enfance. Bourdelle attachait manifestement de l’importance à cette cloche, puisqu’on l’aperçoit au mur du salon de son appartement 6 avenue du Maine, sur une photographie d’Henri Manuel, datée vers 1929 (MBPH3193). Et c’est ainsi que sa fille Rhodia la représenta sur une grande Nature morte (ICO688).

Au-delà du rappel des origines, la cloche d’alpage semble intimement liée à une histoire qui marqua profondément Bourdelle, lui inspira plusieurs œuvres, et qu’il raconta au journaliste Pierre Mille bien des années après : « Le bélier de Bourdelle » (Le Temps, 9 juin 1918).  Retourné dans son pays natal [probablement vers 1908], Bourdelle passa plusieurs mois au printemps et en été dans les montagnes où son grand-père avait été chevrier. On lui apporta un jeune bélier, dont il fit des études. L’animal, d'abord farouche, adopta le sculpteur, resta en sa compagnie et même dompta son énergie pour prendre la pose. Pendant deux mois, l’amitié du sculpteur préserva l’animal de l’abattoir. Toutefois le départ de l’artiste approchant, le propriétaire du bélier revint le chercher ; l’animal s’échappa et « courut se réfugier dans l'atelier de Bourdelle. Mais le sculpteur […] ne pouvait emmener un bélier à Paris. II détourna les yeux… » Le bélier fut entraîné mais « tant qu'il put distinguer Bourdelle, il tourna la tête de son côté. Il lui jetait un regard atroce, douloureux, éperdu, un regard qui disait […] : Tu avais l'air de m'aimer, je t'aimais et tu vas me laisser massacrer ! »

Bourdelle fit de cet épisode un dessin aquarellé bouleversant (MBD3467).  Il modela également deux belles sculptures de l’animal, le Bélier au rocher (MBBR629) et le Bélier couché (MBPV225). Dans chaque œuvre, le jeune bélier porte une cloche d’alpage identique à celle accrochée au mur de l’atelier.

 

 

Autor de la nota : Valérie Montalbetti

  • MBD3467 : Antoine Bourdelle, “Après notre départ, l'ami que nous avons sauvé deux moisʺ, plume et encre brune, aquarelle sur papier vélin, 15,2 x 19,9 cm
  • MBBR629 : Antoine Bourdelle, Bélier au rocher, 1908, bronze, fonte Hébrard, 30,5 x 22,5 x 14 cm
  • MBPV225 : Anonyme ou Antoine Bourdelle (photographe), Le Bélier couché de Bourdelle, vers 1908, négatif sur verre
  • MBPH3193 : Henri Manuel, Bourdelle, Cléopâtre et le petit-fils de Mickiewicz avenue du Maine, vers 1929, épreuve gélatino-argentique à développement bromure.