• Antoine BOURDELLE (1861-1929)

     

  • 22,3 x 20,5 x 12 cm
  • 1929
  • Plâtre
  • MBPL2700
  • Paris, musée Bourdelle

Le Cavalier de la chimère est modelé en juin 1929 au Vésinet, où Bourdelle s’est retiré pour lutter contre la maladie. C’est une forme d’autoportrait, et, malgré le sujet mythologique, l’artiste s’est représenté dans ce costume qui lui est spécifique - blouse et pantalon d’atelier - auquel il adjoint un manteau dont les larges pans flottent au vent, laissant imaginer que la chimère l’emporte dans son élan.

Bourdelle avait un jour copié un motif de vase grec, Bellérophon et la chimère : le cavalier, monté sur Pégase, le cheval ailé, piétinait la chimère. Dans la statuette, l’artiste et l’animal semblent s’être apprivoisés, le cavalier fait corps avec sa monture. Bourdelle réinterprète la traditionnelle hybridation de l’animal fabuleux : il conserve le corps de chèvre mais sans la queue de serpent, le poitrail du lion mais pas la tête, qui semble plutôt celle d’un cheval. Deux dessins préparatoires montrent d’ailleurs le personnage juché sur un équidé (MBD2935 et MBD2936). L’artiste paraît avoir synthétisé dans sa statuette, la chimère, le cavalier et Pégase, dont l’étendard et les plis du manteau pourraient figurer les ailes.

Le dictionnaire souligne la richesse sémantique d’un terme qui ressortit au fantasme, à l’illusion, au mirage, au rêve, au songe, à l’utopie ou à la vision... Dès lors la signification symbolique de l’œuvre est ambigüe[1]. On pourrait la comprendre comme une Vanité[2], mais plus probablement, Bourdelle indique que ses rêves l’ont porté, lui ont permis de s’évader au-delà des régions humaines[3], pour engendrer son œuvre. Il ne faut pas combattre la chimère, mais la chevaucher : Chimère, tu portes le poète est le titre d’un dessin de Bourdelle illustrant le recueil de son ami André Suarès, Poème du temps qui meurt, publié en 1929.

C’est l’interprétation qu’en donne Daniel Marquis-Sébie, élève du sculpteur à la Grande Chaumière, dans un récit hagiographique, s’émerveillant de la prodigieuse rapidité à concevoir et à construire du maître, et illustrant l’ardeur créatrice qui animait encore Bourdelle à la fin de sa vie :

« L’après-midi, le docteur s’absente. Une heure environ se passe et de nouveau les deux amis sont ensemble. "Voyez", lui dit Bourdelle, tout fier de son exploit, rayonnant d’une joie enfantine.

Pendant ce court laps de temps, le sculpteur a créé un chef-d’œuvre. Il a pris un bloc de glaise et a matérialisé, en quelque sorte, le symbole de toute sa vie : une chevauchée éternelle en plein ciel à travers des rêves : Bourdelle à califourchon sur une chimère. »[4]



[1] Marina Lampraki-Plaka, Bourdelle et la Grèce : les sources antiques de l'œuvre de Bourdelle, 1985, p.140

[2] Représentation allégorique de de la vacuité des passions et des activités humaines, face au temps qui passe et conduit inéluctablement à la Mort.

[3] Dans une lettre à André Suarès du 31 décembre 1926, Bourdelle écrit à propos d’Apollon au combat : « La voilà ma première tentative de l’évasion au-delà des hommes. »

[4] Daniel Marquis-Sébie, Le message de Bourdelle, Paris, 1931

 

Autor de la nota : Valérie Montalbetti

Antoine BOURDELLE Cavalier de la Chimère 1929 22,3 x 20,5 x 12 cm  Inv. MBPL2700
  • Antoine BOURDELLE Cavalier de la Chimère 1929 22,3 x 20,5 x 12 cm  Inv. MBPL2700
  • Antoine BOURDELLE Cavalier de la Chimère 1929 22,3 x 20,5 x 12 cm  Inv. MBPL2700
  • Antoine BOURDELLE Cavalier de la Chimère 1929 22,3 x 20,5 x 12 cm  Inv. MBPL2700
  • MBD3413 : Antoine BOURDELLE, Bellérophon et la chimère, vase grec, copie d’antique, plume et encre noire, aquarelle sur papier vélin, 20,3 x 15,5 cm
  • MBD2936 : Antoine BOURDELLE, Cavalier de la chimère, plume et encre noire, aquarelle ocre sur papier vélin, 19,7 x 15,7 cm
  • MBD3413 : Antoine BOURDELLE, Bellérophon et la chimère, vase grec, copie d’antique, plume et encre noire, aquarelle sur papier vélin, 20,3 x 15,5 cm