Katinka Bok, Le sol d'incertitude, 2006 - Photographie de l'installation dans le Grand Hall des plâtres du musée Bourdelle Installation Pavés parisiens en granit et grès recouverts d’une émulsion bitumeuse et d’un revêtement à base de caoutchouc et de résine synthétique 13 x 13 x 13 cm (chaque) Edition 2/2 + 1 EA Acquisition 2006 - Fonds art contemporain - Paris Collections © Katinka Bock Photo : Valérie Montalbetti

Katinka Bock
Le sol d'incertitude
, 2006
Photographie de l'installation dans le Grand Hall des plâtres du musée Bourdelle, octobre 2021, Paris
Installation
Pavés parisiens en granit et grès recouverts d’une émulsion bitumeuse et d’un revêtement à base de caoutchouc et de résine synthétique
13 x 13 x 13 cm (chaque)
Edition 2/2 + 1 EA
Acquisition 2006 - Fonds art contemporain - Paris Collections
© Katinka Bock Photo : Valérie Montalbetti

 

 

En savoir + sur l'artiste

Katinka Bock 

Née 1976, Francfort-sur-le-Main (Allemagne).
Artiste représentée par la galerie Jocelyn Wolff. 
Vit et travaille à Berlin et à Paris.

En savoir + sur l'OEUVRE

Au travers de ces 311 pavés parisiens récupérés par l’artiste et consciencieusement recouverts de goudron, c’est une histoire de la capitale française et de son urbanisme qu’évoque l’artiste. En effet, Katinka Bock a été marquée par l’histoire de cet objet qui peut sembler anodin. Elle a découvert que la taille, le matériau et la forme sont de véritables éléments de datation : d’abord de forme allongée, le pavé se fait progressivement cubique pour aboutir au cube de 20 cm de côté sous Napoléon III ; il est d’abord en grès (issu du Bassin parisien) puis en granit à partir du XXe siècle.
Napoléon III déploie le pavé dans les rues parisiennes à grande échelle pour faciliter la circulation des véhicules. Mais son utilisation est stoppée à la suite de Mai 68, date à partir de laquelle les pavés sont progressivement recouverts de bitume, afin d’éviter qu’ils ne servent de projectiles lors de mouvements populaires.
Dans cette œuvre, l’irrégularité prédomine ainsi au travers de ces pavés en granit et en grès de taille diverses et disposés de façon aléatoire sur un sol que l’on ne peut fouler.

 

Les pavés de l’impasse du Maine

L’oeuvre de Katinka Bock, Le Sol d’incertitude (2006), 311 pavés parisiens en granit et grès recouverts de bitume, rend un écho singulier au musée Bourdelle, entrant en résonnance avec l’aspect de l’impasse du Maine au début du 20e siècle (celle-ci deviendra rue Antoine Bourdelle en 1930, après le percement de la jonction avec la rue Falguière).

 


Bourdelle s’installe en janvier 1885 au numéro 16, une cité d’artistes dans un quartier faubourien, où l’urbanisation n’a pas encore détruit jardins, maisons, chemins de terre. À proximité de la gare et de la vie agitée des boulevards, c’est un havre de paix, où l’on entend les oiseaux chanter. Le sculpteur y demeure fidèle toute sa vie.

C’est une impasse ouvrière, un boyau bordé de petites bâtisses grises, d’échoppes et de hangars. On marche avec difficulté sur cette chaussée aux pavés disjoints et irréguliers : une ondée les gorge de flaques, les poules y picorent, les mômes y jouent.

Le passage menant de la grille aux ateliers était également pavé, et le demeure aujourd’hui.


Nous vous proposons de retrouver les pavés de l’impasse du Maine dans un bref florilège :

« Bien triste, désolé, paraît le passage du Maine par une après-midi pluvieuse ; ses gros pavés disjoints cabossant la chaussée, ne sont guère faits pour épargner les heurts. Ce boyau est bordé de petites bâtisses aux façades rendues grises, par l’ondée qui estompe les nues et l’on se croirait plutôt en quelque ville de province qu’à deux pas de la rue de Rennes. »

[J.-G. d’Aubrac, « Émile Bourdelle », La Bavarde, 1903]

« Au bout de l'impasse du Maine, dans ce cul-de-sac aux gros pavés disjoints entre lesquels des poules se font des lits de poussière et gloussent béatement »

[Robert Rey, « Gaston Toussaint », L’Opinion, 1920]

« Je le trouvai impasse du Maine, dans l'un des dix ateliers qu'il occupe au fond de ce cul-de-sac ignoré des services de la voirie et resté tel qu'au jour déjà lointain où Bourdelle y débarqua de Toulouse […]. »

[Charles Le Goffic, « Dans l’intimité de Bourdelle le grand sculpteur », Le Petit Parisien, 6 avril 1922]

« Il est dans Paris, des coins tranquilles, des rues presque silencieuses, jusqu’où l’insupportable fracas de la circulation, pourtant proche, n’arrive pas ; des quartiers aussi calmes que ceux d’une petite ville et où il semble que les gens soient moins affairés, la vie moins trépidante, moins dévorante que partout ailleurs, des rues ou des enfants jouent au milieu de la chaussée et des poulets picorent librement entre les pavés, sans nulle crainte des passants, ni des automobiles, comme si, au lieu d’être à deux pas des stations de métro, de tramways, de taxis et d’autobus, ils se trouvaient dans la cour très paisible d’une ferme de province ; de ces rues délicieuses, que l ’on peut traverser lentement, en rêvant, sans courir le danger d’être écrasé ou de subir les algarades des chauffeurs toujours pressés ; de ces quartiers, enfin, où l’on peut, sans être troublé par le bruit extérieur, travailler et rester seul avec soi-même longtemps.

L’impasse du Maine fait partie de l’un de ces quartiers. »

[Gaston Poulain, « Une visite à Antoine Bourdelle », Éclair, 1er nov. 1923]

« Si l'on cherche l'atelier et la demeure où travaillait Bourdelle, c'est vers le fond d'une impasse mal pavée, au sol boueux, dénivelé, presqu'aussi accidenté qu'une campagne, dans un quartier très faubourg de Paris, qu'on doit porter ses pas. Montparnasse, cette petite République des Arts, émule de sa soeur Montmartroise, est en effet le lieu où s'est fixé dès sa jeunesse l'alerte et vif Montalbanais »

[Dr Emile-François Julia, Antoine Bourdelle, maître d'oeuvre, Paris, Librairie de France, 1930]

Valérie Montalbetti