Une lettre illustrée d’Antoine Bourdelle datée du 12 juin 1885 et adressée à un couple d’amis, Thérèse et Louis Dispan vient d’être acquise par le musée en vente publique à Drouot.

Bourdelle qui a tout juste 24 ans et s’est installé depuis peu dans un atelier impasse du Maine – le futur musée éponyme - leur fait part de son quotidien parisien et de ses travaux en cours. En quelques traits de plume, il esquisse La Première victoire d’Hannibal, sculpture qui vient d’être couronnée d’une mention honorable au salon des artistes français.

Il consacre la plus grande partie de sa lettre au récit d’un événement majeur auquel il a assisté le 1er juin 1885, les funérailles nationales de Victor Hugo, qu’il illustre d’un croquis enlevé :

« Un grand crêpe sur l’angle de l’arc de l’Etoile. Des drapeaux couverts de crêpe, les becs de gaz [?] allumés tout le jour. De grands trépieds au pied de l’arc de triomphe avec de grandes flammes. Des peintres, des dessinateurs partout. J’ai fait queue la veille de l’enterrement pour passer devant le corps exposé, j’ai subi 4 heures d’étouffement, d'écrasement, pour ne rien voir et à mon grand regret je n'ai jamais vu Hugo. » et plus loin :

« [...] Victor Hugo ? Demandez-vous. Je ne puis croire qu'il soit mort et pourtant ! J'étais à l'enterrement, au convoi qui est parti de l'Arc de l'Etoile à 11 heures et a défilé jusqu'à 8 heures du soir vers le Panthéon. Je portais une couronne de Montauban. Il y en avait un nombre infini, elles couvraient les bords du Panthéon. Le cercueil avait été exposé toute la nuit sous l'Arc de Triomphe de l'Etoile au pied d'un catafalque qui tenait toute la hauteur de la voute. Les cuirassiers éclairaient la scène avec des torches allumées, tout Paris était là. Victor Hugo a été porté sur le corbillard des pauvres et seul à quelques pas en arrière venait son petit-fils. Ensuite la famille Hugo, délégation et cætera. […] On a tous fait des vers, des dessins, des peintures, de la prose. […] J'ai fait un quatrain pour une couronne de Montauban et un pour déposer aux pieds du cercueil. »


L’un de ces poèmes fut écrit « dans la foule le 31 mai pendant l'exposition du corps sous l'Arc de Triomphe » :

« A Victor Hugo
Ton âme va monter au sortir de ses voiles
Dans le ciel éclatant de l'immortalité
C'est ainsi que l'on voit devant l'éternité
S'augmenter lentement le nombre des étoiles. »

Le musée conserve un plâtre et deux bronzes de La Première victoire d'Hannibal évoquée dans la lettre et plusieurs dessins préparatoires :
https://www.bourdelle.paris.fr/fr/oeuvre/premiere-victoire-dhannibal
https://www.bourdelle.paris.fr/fr/oeuvre/premiere-victoire-dhannibal-0

 

Lettre autographe signée d'Antoine Bourdelle à Mr et Mme Dispan de Floran, 12 juin 1885, 8 pages, cote : AB/B.2.03.C26.

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