• Antoine Bourdelle (1861-1929)

  • 13,9 x 10,2 x 5,4 cm
  • 1886
  • Plâtre
  • MBPL4806
  • Paris, musée Bourdelle

La Vie blessée est une œuvre de jeunesse touchante, datée de 1886. Bourdelle est arrivé à Paris en 1884, où il est admis à l’Ecole des Beaux-Arts, dans la classe d’Alexandre Falguière. Il s’est installé 16, impasse du Maine (future rue Antoine Bourdelle).
En 1885, il est gravement malade et doit interrompre son travail : il passe deux mois à l’hôpital Necker avant de partir en convalescence à Montauban pour l’été.
En 1886, il quitte les Beaux-Arts et, en conséquence, perd la bourse que lui versait le département du Tarn-et-Garonne. Ce sont des années de misère matérielle, où il peine à faire reconnaître son talent.
La maladie, le dénuement, l’ambition déçue, et l’influence du spleen fin-de-siècle nourrissent une œuvre sombre et mélancolique, dont La Vie blessée porte la marque : une figure féminine toute en courbes, ployée et enserrant une urne, la joue lovée dans le creux de l’épaule.
Faut-il aussi y voir un souvenir de la statue de René de Saint-Marceaux, le Génie gardant le secret de la tombe (Musée d'Orsay) ? Médaille d’honneur au Salon de 1879, la statue fut immédiatement acquise pour le musée du Luxembourg et popularisée par la gravure.
La Vie blessée semble un écho au poème que Bourdelle écrivit le 24 juillet 1885, à la sortie de l'Hôpital Necker, La nuit, j'irai sculpter la pierre des tombeaux :

Je sens venir pour moi l'heure du grand sommeil,
Par un mal sans pitié mon âme est affaiblie
Nature ! Ton enfant qui souffre te supplie.
Quoi ! Ne verrai-je plus se lever le soleil !

Mon cœur n'avait jamais eu de trouble pareil
Ses battements pressés sonnent son agonie.
Qui donc pourra savoir si j'avais du génie ?
Puisque la mort déjà me couche sans réveil.

C'est pour t'avoir aimé que mon front se fit blême.
Je meurs pour toi grand Art ! La gloire est le baptême
Que tu devais donner à mon cœur en lambeaux.
Et tu vas me donner la mort pour diadème !

Oh ! je me lèverai dans un effort suprême
La nuit, j'irai sculpter la pierre des tombeaux !

Auteur de la notice : Valérie Montalbetti