Apollon, « Libre de tout passé »
Création, abandon, reprise… Apollon au combat est le fruit d’une longue maturation. Tout commence par l’étude d’un jeune modèle « au fin visage osseux », modelée vers 1898. De cette tête d’argile retrouvée en 1900 dans l’atelier, « toute sèche, fendillée, non finie », Bourdelle prend une empreinte qui conserve les cicatrices du temps. À la recherche de « la forme au-delà du sang, du cartilage », il en tire des masques fragmentaires en plâtre dont il offre un exemplaire à Rodin. Il retravaille dans la terre ce masque, auquel il adjoint un cou plein et massif.
Vers 1909, Tête d’Apollon trouve son architecture définitive dans l’assemblage d’une base taillée en biseau, d’un socle géométrique, quasi cubiste, et d’un visage tout en arêtes, en plans imbriqués. Bourdelle s’affranchit ainsi de Rodin et signe un manifeste moderne. Les sculpteurs Germaine Richier et Jean Arp en saisissent toute la portée.
Vers 1912, des épreuves en plâtre de Tête d’Apollon sont données à Élie Faure, André Gide… Bourdelle la fait ensuite fondre en bronze, l’expose en 1913 à la manifestation internationale d’art moderne de l’Armory Show, à New York, et à la Biennale de Venise en 1914. La même année, ce chef d’œuvre entre au Nationalmuseum de Suède. Apollon au combat – le titre s’impose à Bourdelle en 1913. Combat du sculpteur pour que la forme « arrêtée à propos » s’accorde à la devise d’Apollon : « Rien de trop. »
Antoine Bourdelle (1861-1929)
Apollon au combat
1909
Bronze, fonte Alexis Rudier, vers 1930
Paris, musée Bourdelle
© Stéphane Piéra / Musée Bourdelle / Paris Musées
Bourdelle porte en 1926 un regard rétrospectif sur la création d’Apollon pour son ami le poète André Suarès :
« Je tentai la montée au-delà de l’homme, jusqu’au Dieu Apollon. Je l’aperçus irrité dans l’airain d’or. »
Fondu par Eugène Rudier, ce bronze d’Apollon au combat est revêtu d’une patine de feuilles d’or. Il a la présence vibratoire d’une idole païenne, le poli et les aspérités d’un bronze archéologique.
Anonyme
Tête d’Apollon
Étude en terre craquelée
Vers 1900
Tirage au gélatino-bromure d’argent
Photographié dans le laboratoire de l’atelier, ce « chef sans corps » n’a pour l’heure ni base ni socle. Il est encore en gestation. C’est vraisemblablement une terre élaborée à partir du masque fragmentaire dont Bourdelle offre un exemplaire à Rodin.
Anonyme
Apollon
Étude de tête pleine avec cou
Vers 1909
Tirage au gélatino-bromure d’argent
Bourdelle invite la photographie dans son processus créatif. Les prises de vue rapprochées soulignent la matérialité des plans dressés sommairement par le sculpteur avec ses outils – couteau, râpe et gradine. Les contrastes violents de l’éclairage artificiel accentuent le caractère dual de la face : un côté lumineux, l’autre obscur, traversé de reprises et de coutures, comme autant de balafres. À l’image du dieu grec, la sculpture de Bourdelle a deux visages…
Anonyme
Apollon
Étude de tête pleine avec cou
Vers 1909
Tirage au gélatino-bromure d’argent
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