Du symbolisme à l’Art nouveau

Bourdelle fréquente les cafés littéraires de Montparnasse, dont la Closerie des Lilas, où il expose en 1889. Lié aux cercles symbolistes, il est proche des poètes Jean Moréas et André Fontainas – disciple de Mallarmé. Il participe en 1892 et 1893 aux premiers Salons de la Rose+Croix. Son œuvre cultive la part de l’Ombre. Elle sonde les contrées obscures du psychisme d’où surgissent les démons et les désirs inavoués du Jour et la Nuit… « Je est un autre », selon la célèbre formule d’Arthur Rimbaud.
Ce « double » trouve son prolongement dans l’ambivalence du masque.
Bourdelle en exploite toutes les ressources plastiques : magma oppressant du Grand Masque tragique de Beethoven ; « inquiétante étrangeté » du Masque nô japonais ; masque de La Chilienne mi-portrait, mi-dépouille… Le masque, cette tête décapitée, renvoie inexorablement à Méduse, la Gorgone maléfique dont Bourdelle livre une sculpture décorative médusante.
Il s’inscrit dans le mouvement de réhabilitation des arts décoratifs de la fin du XIXe siècle. II conçoit des séries de modèles pour les « grès artistiques » d’Alexandre Bigot et pour la manufacture de porcelaine Haviland – le Buste de Jane Avril, le Masque du baiser sont l’expression de « l’extase ornementale » de l’Art nouveau. La stylisation de l’arabesque, ondulante et serpentine, autorise tous les jeux de renversement, quand l’anatomie féminine devient ornement et l’ornement anatomie.

 

Vue de la section du symbolisme à l'Art Nouveau
Antoine Bourdelle (1861-1929) 
Le Jour et la Nuit ou Adolescence 
1904 
Marbre 
Photo © musée Bourdelle/Paris Musées 
 

Bourdelle compose dans le marbre le portrait de son élève le marquis Henri de Bideran, « beau comme le jour ». L’adolescent solaire est agrippé par la Nuit – double obscur et dévorateur qui manifeste l’emprise de l’ombre. Comme les célèbres sculptures de Michel-Ange pour la chapelle Médicis de Florence (1518-1534), l’œuvre procède d’une tension des contraires. Le poli du cou, gorgé de vie puissante, contraste avec la matière brute et rugueuse de l’allégorie nocturne.

Antoine Bourdelle (1861-1929) 
Méduse Marteau de porte 
Exposition des Arts décoratifs de 1925 
Plâtre 
Photo © musée Bourdelle/Paris Musées 
 

L’art « fin de siècle » réactualise la figure archaïque de Méduse à la chevelure de serpents. Ce marteau de porte résulte d’une commande pour le pavillon de la maison de serrurerie Fontaine, à l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925. Bourdelle imagine la main de Persée montée sur charnière, tenant les tresses de serpents de la tête tranchée, « afin que le chef heurte en retombant le bouclier du héros ». Quand chaque coup de heurtoir réitère le geste fatal et sanglant…

 

Antoine Bourdelle (1861-1929) 
Grand Masque tragique de Beethoven 
1901 
Bronze, fonte Hohwiller 
Photo © Eric Emo / musée Bourdelle / Paris Musées 
 

En 1901, soit treize ans après ses premières compositions autour de Beethoven, Bourdelle pousse ses recherches plastiques jusqu’à la déformation avec son Grand Masque tragique. Le tourment s’est fait torture. Procédant par soustraction et altération, l’artiste livre ici un masque expressionniste et monumental, à la limite de l’abstraction.


Suivez l’actualité du musée Bourdelle

Abonnez-vous à notre newsletter

Je m’abonne