Le Théâtre des Champs-Élysées, La fureur mesurée

Du Centaure mourant (1911-1914), Bourdelle confie qu’il « meurt comme tous les dieux, parce qu’on ne croit plus en lui ». Mais, tout au long de sa carrière, le sculpteur n’a jamais cessé de croire à la vitalité créatrice des mythes gréco-romains. En janvier 1910, Bourdelle est appelé par son mécène et ami Gabriel Thomas sur le chantier du Théâtre des Champs-Élysées, avenue Montaigne à Paris.
Initialement chargé du décor peint et sculpté, Bourdelle est bientôt associé à l’élaboration architecturale du projet conduit par Auguste Perret.
Durant deux années, il reprend le dessin de la façade pour laquelle il taille dans le marbre une frise monumentale, cinq bas-reliefs et exécute pour l’atrium le cycle décoratif d’une quarantaine de fresques. « Jamais je n’eusse pu fournir [autant] sans cette communion étroite » avec Apollon, « maître d’œuvre universel » et avec Bacchus-Dionysos, dieu de la « fureur mesurée ». 
Ce double patronage résume la recherche du sculpteur, cette interaction de maîtrise et de pulsion. Il dit aussi l’audace plastique et la richesse symbolique des figures hybrides conçues entre 1905 et 1920.
Centaures, faunes, bacchantes et satyres... Tout un cortège fabuleux célèbre l’harmonie retrouvée de l’architecture, de la sculpture monumentale et de la peinture, « dans la fureur de l’hymne ou dans l’abandon de l’offrande ».

Vue de la section Théâtre des Champs-Elysées
Antoine Bourdelle (1861-1929) 
Bacchante aux raisins 
Première composition, grande version 
1907 
Plâtre polychrome 
Photo © Stéphane Piéra / musée Bourdelle / Paris Musées 
 

Cette Bacchante aux raisins est l’une des œuvres fétiches de Bourdelle. Il en offre des plâtres, parfois colorés de sa main, à certains proches – la danseuse Isadora Duncan, les écrivains Émile Verhaeren et Élie Faure... 
Hanchement marqué, modelé heurté, tension dynamique des masses : la Bacchante incarne l’ivresse du cortège dionysiaque. Les rehauts de polychromie ajoutent à la « sauvagerie » de cette idole moderne.

Antoine Bourdelle (1861-1929) 
Centaure mourant 
Buste, modèle à grandeur d’exécution 
1914 
Plâtre 
Photo © Eric Emo/musée Bourdelle/Paris Musées 
 

En juin 1914, Bourdelle met la dernière main au Centaure mourant dans sa grandeur définitive. Postérieure à la fresque du Théâtre des Champs-Élysées sur le même thème, la sculpture prend son autonomie. 
Centaure mourant s’affaisse autant qu’il s’élève. Tension et relâchement. Extase ou agonie ? Jamais Bourdelle ne soutient aussi fermement « l’équivoque voulue » du céleste et du bestial. De la chair et de l’esprit.

 


 
Façade du Théâtre des Champs-Élysées 
Élévation, douzième étude 1911 
Dessin à la plume, à l’encre de Chine et à l’aquarelle sur papier vélin  

 

En juin 1911, Bourdelle parachève le dessin de la façade du Théâtre des Champs-Élysées. Cette douzième étude signe sa capacité à « tout concevoir en monument ». Si les figures de la frise et des cinq bas-reliefs sont encore en devenir, elles épousent néanmoins les lignes du nouveau temple de la musique. Aucune saillie ne doit « offusquer la muraille lisse » du Parthénon moderne.

Antoine Bourdelle (1861-1929) 
Les Deux Papalou 
Vers 1920 
Dessin à la plume, à l’encre noire et à l’aquarelle sur papier  
 

Entre 1920 et 1925, Bourdelle couche sur le papier quelque 200 figures de centaures et de faunes. On y retrouve parfois les traits du sculpteur, comme dans ce double autoportrait du Papalou, surnom familier du maître donné par sa fille Rhodia. En célébrant le corps hybride et glorieux qui réconcilie le faune et le génie ailé, la bestialité et l’élévation, Bourdelle signe ici un véritable manifeste : par la médiation de la matière, l’artiste transpose et sublime les instincts primitifs.

 


Suivez l’actualité du musée Bourdelle

Abonnez-vous à notre newsletter

Je m’abonne