Transmission
« Je ne suis pas un maître d’école, un professeur, mais un artiste qui travaille avec vous. »
Les manuscrits de ces cours et leçons font entendre la voix exigeante et lyrique du créateur et du pédagogue qui encourage chacun à « chanter son propre chant ». Les élèves admis dans les ateliers de l’impasse du Maine constituent une garde rapprochée. Ils – elles surtout – secondent le maître dans l’exécution de ses travaux, tout en se prêtant volontiers comme modèles à l’exercice de la pose. Bourdelle en tire des portraits photographiques ou dessinés retravaillés à loisir, traduits en bustes ou figures en pied.
Ainsi La Chilienne, L’Allemande, Femme sculpteur russe, Femme sculpteur au travail empruntent les traits respectifs d’Henriette Petit-Vargas, Hedwig Woermann, Catherine Markowitch, Cléopâtre Sevastos et Madeleine Charnaux. La galerie de ces visages familiers compose un répertoire de formes expérimentales qui ouvre le champ de la modernité. La silhouette gracile de Madeleine Charnaux inspire à Bourdelle plusieurs études.
« Contenir, maintenir, maîtriser » : la formule lapidaire du maître trouve son expression manifeste dans l’épure de figures où les jambes se résument à un parallélépipède, le buste à un trapèze, la tête à un masque triangulaire sur la base cylindrique du cou. Nourrie du « primitivisme » des idoles des Cyclades et des statues-colonnes médiévales, elles anticipent les recherches.
Antoine Bourdelle (1861-1929)
L’Urne
Étude de nu
1927-1929
Bronze, fonte Valsuani
Photo © Stéphane Piéra / musée Bourdelle/Paris Musées
Le géométrisme et l’art de la synthèse que professe Bourdelle trouvent un contrepoint exemplaire dans la photographie par Ernst Scheidegger du Torse (1925) de Giacometti, une sculpture cubisante que l’élève suisse expose grâce au maître au Salon des Tuileries en 1925. Singulièrement proches et strictement contemporains, le dessin de Bourdelle Étude pour une amphore et la sculpture de L’Urne ressortissent à la même volonté « d’architecturer » le corps féminin.
Antoine Bourdelle (1861-1929)
Étude pour l’amphore
1925
Plume et encre noire, aquarelle sur papier vélin
Antoine Bourdelle (1861-1929)
Torse de l’élève allemande [Hedwig Woermann]
Vers 1900
Bronze, fonte Valsuani
De tous les portraits-études que Bourdelle a pu faire d’Hedwig Woermann, le plus radical est sans conteste ce torse. Rythmé par les traces des écrasements de matière, surmonté d’une tête aux traits à peine esquissés, ce bloc est contemporain des modelages de Matisse, que Bourdelle initie alors à la sculpture. Il est proche des expérimentations plastiques de Giacometti menées quelque cinquante ans plus tard autour des bustes d’Annette, son épouse.
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