La revue Feuillets d’art, bien qu’éphémère, témoigne dans le paysage éditorial du début des années 1920 d’un dessein original. D’une rare qualité, cette publication diligentée par Michel Dufet décrypte les grandes tendances littéraires et artistiques du moment et publie les œuvres d’artistes de renom.
En 1919, Dufet crée cette luxueuse revue avec Edmond Moussié (1888-1933), mécène et directeur du port autonome Bordeaux Bassens. Suspendue un an plus tard, elle est relancée en 1921 par Lucien Vogel (1886-1954), fondateur de la Gazette du bon ton. Michel Dufet en reste le codirecteur. D’un coût sans doute trop élevé, elle cesse en 1922.
Dans un contexte éditorial riche en revues spécialisées, les Feuillets d’art couvrent des champs disciplinaires variés. Michel Dufet conçoit la publication comme « une œuvre de sélection, un travail de mise au point » qui embrasse les « diverses formes de l’activité artistique et littéraire ». Elle comporte des chroniques, des essais mais également des partitions, des nouvelles, des pièces de théâtre, des poèmes… parfois inédits et des illustrations.
Ambitieux directeur, Dufet sollicite des écrivains, des artistes et des musiciens prestigieux. Anatole France, Anna de Noailles, Henri de Régnier, Marcel Proust, Paul Claudel, Jean Giraudoux, André Suarès collaborent à la revue. Pierre Bonnard, Raoul Dufy, Foujita, Kees Van Dongen concourent, par leurs illustrations, à la belle iconographie du magazine.
La collection des Feuillets d’art est constituée de deux séries, chacune de six livraisons, publiées irrégulièrement entre mai 1919 et juillet 1920 puis entre septembre 1921 et octobre 1922.
Les volumes de la première série, de grand format, au graphisme raffiné rouge et noir, sont conçus comme des portefeuilles à rabats, avec œillets métalliques et lacets. Ils sont divisés en chapitres : « feuillets littéraires, feuillets du théâtre, feuillets des arts du dessin, feuillets de la musique et feuillets de la mode » et illustrés de gravures sur bois et de planches hors-texte en noir ou en couleurs.
Les fascicules de la deuxième série évoluent formellement, permettant de proposer un abonnement presque moitié prix. Moins volumineux, d’un format réduit donc plus maniables, ils disposent d’une couverture illustrée – un profil de femme sur fond de feuillages - dont la couleur varie à chaque numéro. Non chapitrés, ils sont renommées les Feuillets d’art - Recueil de littérature et d'art contemporain.
Michel Dufet élabore le contenu de la revue, produit articles et dessins. On y retrouve ses sources d’intérêt : le mobilier, la bibliophilie et la sculpture.
À son initiative, un article est consacré à L’art de Bourdelle dans le premier numéro des Feuillets d’art du 31 mai 1919. Rédigé par Pierre Mille, il est abondamment illustré de photographies de sculptures et d’un hors-texte reproduisant « Rodin au travail ». A l’issue de cette publication, Michel Dufet et Antoine Bourdelle nouent des liens d’amitié durables.
Claire Boisserolles
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