Cette Baigneuse accroupie est la transposition magistrale d’une photographie que Bourdelle a prise de son élève Cléopâtre Sévastos les pieds dans l'eau, sur une plage de Marseille. Nourri de références plastiques, le sculpteur s’affranchit des apparences du quotidien, si séduisantes soient-elles, pour accéder à la vérité de la présence. Tout comme Le Nuage (1907), le modelé sensuel de ce nu s’inspire à l’évidence du lyrisme voluptueux de Rodin et l’audace de la pose renvoie indubitablement à la création rodinienne d’Iris, messagère des dieux (1895) exhibant son intimité. Mais une autre parenté s’impose : celle de Cézanne, le « primitif moderne » (A. Bourdelle, lettre à Charles Morice) dont le sculpteur se réclame depuis qu’Elie Faure l’a initié à la « splendeur rudimentaire » des baigneuses du maître Aixois, « posées comme des statues vivantes ». La leçon cézanienne trouve indéniablement son prolongement dans la densité de la figure inclinée pour faire corps avec la masse abrupte du rocher, dans l’ampleur des formes comme dans l’articulation rigoureuse des volumes. La plénitude de cette Baigneuse accroupie s’apparente aussi à la robustesse de ces belles architectures charnelles que peint à la même époque « le père Renoir », de ces grandes baigneuses regardées par Picasso et que Maurice Denis célèbre comme le retour salutaire de l’harmonie primitive de l’Antique dans le monde moderne.
Jérôme Godeau
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