Bourdelle, autoportrait sans bras, statuette

Emile Antoine BOURDELLE (1861, Montauban (Tarn-et-Garonne, France) - 1929, Le Vésinet (Yvelines, France))

  • 1908
  • Plâtre
  • 59,0 x 25,2 x 31,1 cm
  • MBPL2661

Vers 1907-1908, Antoine Bourdelle adopte le velours côtelé des ouvriers et artisans, se créant ainsi un personnage d’artiste ouvrier, fier de ses origines, pour qui le labeur est une vertu. L’Autoportrait sans bras atteste l’importance symbolique du costume en velours, dont il représente jusqu’au pantalon resserré aux chevilles par trois boutons. Dans une subtile mise en abîme, Albert Harlingue photographie Bourdelle dans son costume à côté de son autoportrait dans l'atelier (MBPH1932).

On retrouve également dans ce portrait, les caractéristiques physiques mentionnées par les contemporains de l’artiste, notamment son caractère faunesque : petit, trapu, la tête penchée vers le sol tel un bélier, la « barbe inculte », le front immense « arrondi en coupole » les « yeux plein de songes », le regard venant du dessous.

Cette figure sans bras évoque L’Homme qui marche de Rodin, dont le grand modèle venait de triompher au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts de 1907. A la même période, Matisse enlève les bras de son Serf, exposé au Salon d’Automne de 1908 (la première version, avec bras, avait été présentée au Salon d’Automne de 1904).

Il peut sembler surprenant pour un sculpteur de se figurer sans bras, comme empêché d’œuvrer. Or c’est tout le contraire. Bourdelle se représente en train de réfléchir, comme dans plusieurs autoportraits dessinés, dont l’un intitulé Le Penseur, où il marche les bras croisés dans le dos (MBD6904). L’absence de bras concentre l’attention du spectateur sur le front et sur l’expression réfléchie du visage.

Comme Bourdelle l’a souvent exprimé à ses élèves, pour créer, il faut développer son esprit, car c’est l’esprit qui dirige la main : « ce n'est pas le pouce qui fait l'œuvre, mais l'intelligence. […] la main habile est un malheur si l'esprit ne lui dit : "recommence et écoute." » Il y revenait continument : « Imprégnez-vous de cette idée, que le tempérament, c'est un beau mot, mais un mot creux ; ça n'existe pas plus que le coup de pouce, entendez-vous bien, c'est l'esprit seul qui compte. »

Bourdelle se représente donc en train de créer, dans la phase essentielle de conception mentale de l’œuvre.

Valérie Montalbetti Kervella

L’oeuvre sur le portail des collections

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