Madeleine Charnaux a tout juste 15 ans lorsqu'elle pose pour cette étonnante sculpture. L'artiste réduit le corps gracile de son élève à une simple imbrication d'éléments géométriques. De fait la figure, étranglée au niveau du bassin, dessine une épure synthétique. Les jambes se résument à un parallélépipède légèrement galbé que coiffe un buste en forme de trapèze. Les cannelures fuselées du vêtement accentuent la fragilité longiligne de l'adolescente soumise aux investigations de l'artiste. Le corps n'est plus qu'une succession de formes élémentaires. Bourdelle s'affranchit de la ressemblance pour ériger une silhouette immémoriale, descendante moderne des idoles cycladiques. Sous l'enveloppe, la charpente - l'artiste se comporte toujours en architecte - délaisse le détail pour accéder au général. Contre la fugacité du présent, il immobilise le temps.
Avec sa Madeleine Charnaux, Bourdelle joue d'une exagération filiforme que les sculptures de son élève Alberto Giacometti sauront bientôt réinvestir d'un sens nouveau.
Colin Lemoine
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