Les arabesques ornementales de l’Art nouveau exaltent la féminité dans tous ses états métamorphiques : femmes–fleurs de Maurice Denis, d’Alphonse Mucha, de Pierre Bonnard, femmes serpentines d’Edvard Munch, de Gustav Klimt, femme-vague d’Aristide Maillol ou de Lévy-Dhurmer … Si le féminin ne serpente pas, il ondoie, tourbillonne et danse comme Jane Avril dont Toulouse-Lautrec capte d’un trait fulgurant les apparitions au Divan japonais, au Moulin Rouge : « gracieuse, légère, un peu folle, pâle, amaigrie […] elle tournait, détournait, sans poids, nourrie de fleurs » (Paul Leclercq) Fleur vénéneuse dont Bourdelle a saisi le charme névrotique. Internée très jeune pour maladie nerveuse à la Salpétrière, dans le service du Dr Charcot où elle participe aux « tableaux cliniques » que le célèbre neurologue inflige à ses patientes hystériques, Jane Avril s’en délivre par la voltige de la danse. Présenté à l’Exposition universelle de 1900, ce buste tient de l’exploit, compte tenu de la maîtrise technique que suppose la cuisson d’un biscuit en porcelaine de cette taille. L’hommage que Bourdelle rend à la danseuse mythique des cafés-concerts parisiens ressortit à l’érotisation de la femme-sirène, émergeant d’une vague ou d’une conque marine, comme une invite aux enlacements ondulants, voluptueux et… mortifères.
Jérôme Godeau
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