Producteur du grès architectural pour les édifices majeurs de l’Art nouveau, Alexandre Bigot s’est fait aussi une spécialité du « grès artistique ». En 1896, Bourdelle lui fournit près de quatorze modèles, certains conçus à l’origine pour d’autre matériaux, à l’instar de la figure de La Nonne taillée initialement en bois. Bourdelle privilégie des émaillages aux tonalités « douces à l’œil comme certaines agonies d’automne ». Avec sa glaçure bleuâtre, ce visage aux paupières closes semble émerger de l’eau nocturne et mélancolisante du songe, semblable aux figures de noyées d’une Ophélie, d’une Ondine ou encore de l’« Inconnue de la Seine » (http://expositions.bnf.fr/portraits/images/3/070.jpg), cette « Joconde du suicide » (Louis Aragon) dont le masque mortuaire présumé figurait sur les cimaises des ateliers d’artistes dans les années 1900. « Le visage du sommeil, souligne Bourdelle, se hausse d’une grandeur subite, il y a là le noble trait d’union de la vie à la mort » – comme s’il fallait que certains sens fussent occultés pour accéder à un au-delà de la présence. Ensevelie dans les replis de sa guimpe, La Nonne n’est pas sans évoquer les apparitions spiritualisées de Lucien Lévy-Dhurmer, comme le Portrait de Marguerite Moreno (1896), muse symboliste immortalisée dans son rôle du Voile de Georges Rodenbach, « Dans ce halo de linge où le front s’angélise.» (G. Rodenbach)
Jérôme Godeau
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