L'éclosion de cette apparition ténébreuse, comme tapie en elle-même, doit beaucoup à l'esprit fin de siècle qui cultive « la fleur maladive et bizarre du symbolisme ». Rien de plus étrange en effet, de plus inquiétant que cette figure de la noirceur, toute entière amalgamée à l'ombre. De quelles angoisses, de quels tréfonds de l'âme surgit ce masque hybride, aux confins de l'humain et de l'animalité ?
Lorsque Bourdelle travaille à la création de La Nuit, il est encore le praticien de Rodin. L'ascendant du maître est sensible dans le goût pour l'expressionnisme de ce magma de formes que le sculpteur modèle en 1904 mais qu’il réserve, du moins à notre connaissance, à la seule expérimentation de l’atelier. Aucune transposition en bronze n’a été réalisée du vivant de l’artiste. L’influence de Rodin est également sensible dans le remploi d'un fragment de composition, présenté comme une œuvre autonome. Bourdelle se souvient de la leçon et dissocie ce motif du groupe initial, pour mieux en affirmer « l’inquiétante étrangeté ».
Jérôme Godeau

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