Les années 1900-1905 sont décisives pour Bourdelle, qui va résolument à l’encontre de la sensibilité et du modelé des œuvres d’Auguste Rodin. En juillet 1903 il réalise en terre un torse de femme grandeur nature, surmonté d’une tête à l’expression sévère, dans laquelle on croit déceler un portrait. Pallas – qui se rattache au nom grec signifiant « jeune fille » – est l’une des épithètes de la déesse Athéna, la vierge guerrière. En 1905, il en réalise une traduction en marbre et en bronze qu’il présente à la Galerie Hébrard, à Paris. Monolithique, virginal, synthétique, le marbre de Pallas est bien un torse de déesse. Jalon majeur dans l’évolution de la création bourdellienne, cette œuvre est une véritable leçon d’épure dont Constantin Brancusi poussera la logique jusqu’à l’abstraction. Le tronc se résume à un cylindre parfait, posé sur deux cylindres coupés : les cuisses. Les bras sont deux autres cylindres, interrompus par des cassures, à l’instar d’un fragment d’antique. Cette construction géométrique doit beaucoup à la leçon plastique de Cézanne, dans la volonté de reconstruire la forme effilochée par l’impressionnisme, de rétablir la densité des volumes. Elle s’inspire aussi de l’archaïsme grec préclassique dont les formes « rudimentaires » alimentent le courant du primitivisme occidental, au seuil des années 1910. Demeurée dans l’atelier de sculpture, cette œuvre-manifeste rejoint la première donation fondatrice du musée, en 1948.
Jérôme Godeau
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