Champs-Elysées, Apollon et les muses - étude

Emile Antoine BOURDELLE (1861, Montauban (Tarn-et-Garonne, France) - 1929, Le Vésinet (Yvelines, France))

  • s.d.
  • Plâtre
  • I2737

Le théâtre des Champs-Élysées est édifié avenue Montaigne, de 1911 à 1913, par l’architecte Auguste Perret. Gabriel Thomas, son promoteur, confie à Antoine Bourdelle les reliefs de la façade et une partie de la décoration intérieure. Bientôt, il lui demande également de finaliser la façade : le sculpteur conçoit un dessin sobre et épuré, selon un parti vertical et tripartite.

À l’attique, une frise monumentale (en trois métopes), sur le thème d’Apollon et les Muses : le dieu des Arts est entouré des neuf muses, qui se précipitent vers lui et s'arrêtent à sa vue. La sculpture est conçue pour s’intégrer à l’architecture afin « qu’aucun geste, aucun plan, aucune ombre, aucune saillie des sculptures n’offusque le mur ni ne le brise ». Plus encore, la sculpture contribue à la lisibilité de l’architecture, en soutenant ses lignes.

Bourdelle pense monumental : la frise étant placée à 17 mètres de hauteur, elle doit être lisible à distance et impose à l’artiste une simplification formelle, qui sacrifie le modelé et les détails : tout doit être subordonné à la ligne générale, telle une construction.

Ainsi, l’artiste synthétise anatomies, chevelures, et draperies, donnant un caractère extrêmement graphique, presque héraldique, à ses figures. Au centre de la composition, Apollon est immobile, impénétrable, éternel : son visage, simplifié à l’extrême, les yeux vides, est comme un masque ; sa posture, torse de face, jambes de profil, obéit aux seules exigences de la composition. Sa méditation est matérialisée par la figure qui l'enveloppe de ses bras ailés : par la proximité et la gémellité de leurs visages, elle est à la fois inspiration et matérialisation des pensées du dieu.

Si certains saluèrent une conception nouvelle, d’autres crièrent au cubisme : « son art s’exprime d’une façon si brutale et disgracieuse qu’il nous semble une expression monumentale du cubisme en architecture. »
Pourtant, synthèse ne signifie nullement sécheresse : quelle souplesse de lignes dans cette composition toute en courbes, en vagues, en arrondis ! La composition est rythmée par des effets de symétrie, d’échos, de répétition, qui la rende vivante et joyeuse. Les plis des draperies et les mèches des chevelures sont comme une scansion. Les mouvements des bras, des jambes et des tissus se conjuguent et se prolongent, comme si le rythme passait d’une muse à l’autre.

Les échos d’une figure à l’autre sont facilités par le fait que les muses ne sont pas individualisées : elles n’ont ici aucun attribut, leur visage est impersonnel, elles ne sont plus que gestes, rythmes, motifs décoratifs. Bourdelle s’est inspiré de la danseuse Isadora Duncan : « En 1911, j’ai vu danser Isadora Duncan . J’ai représenté environ trois cents dessins et, quand le travail du théâtre est venu, ils ont été la grande source, d’où presque la totalité de mes marbres de la façade a pris ses mouvements. […] Toutes les muses de la frise sont elle et quelle leçon de vie déjà ! ».

Situées sur la façade du théâtre le plus moderne de Paris, les compositions de Bourdelle ont un fort retentissement. On imagine aisément que Pablo Picasso a regardé les muses de Bourdelle quand on observe Deux femmes courant sur la plage (1922).

Valérie Montalbetti Kervella

L’oeuvre sur le portail des collections

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