Exposition passée
Bourdelle. La mémoire des objets
Du au
Entrée gratuite
L'accrochage « Bourdelle. La mémoire des objets » - déployé dans l'Aile Portzamparc - propose une immersion inédite dans l’art et la vie du sculpteur Antoine Bourdelle (1861-1929) à travers un dialogue entre ses œuvres et les objets personnels qui les ont inspirés. Cette plongée dans les riches collections du musée Bourdelle offre un nouveau regard sur son son art, par le biais de l’émotion, de l’intime, du récit…
En 2020, le bâtiment ancien du musée Bourdelle a dû être déménagé avant restauration. À cette occasion, a été retrouvé un grand nombre d’objets ayant appartenu à Antoine Bourdelle, qui a vécu et travaillé dans ces lieux pendant la majeure partie de sa vie.
Pourquoi ces objets furent-ils soigneusement conservés par Bourdelle, puis ses descendants, puis légués au musée ? Que nous racontent-ils de la vie d’atelier, de l’artiste, de ses origines, de ses goûts et bien sûr de son œuvre ?
Ce que l’on en sait aujourd’hui est le résultat d’un long travail d’enquête, recoupant photographies, archives, textes de Bourdelle, presse de l’époque... L’intérêt de ces objets, souvent modestes, réside dans ce qu’ils racontent de la vie et de l’œuvre de l’artiste. Souvenirs, voire reliques, ils contribuent par leur exposition à la sacralisation du grand homme. Pour la plupart inédits, les objets constituent le fil conducteur du parcours : par leur pouvoir d’évocation, ils donnent des clés pour comprendre l’œuvre, l'art de Bourdelle.
Commissariat général
Ophélie Ferlier Bouat, conservatrice en chef du patrimoine, directrice du musée Bourdelle
Commissariat scientifique
Valérie Montalbetti Kervella, responsable des sculptures et des collections de Bourdelle
Claire Boisserolles, responsable des archives, de la bibliothèque et de la documentation, commissaire associée
Scénographie : Scenografia Graphisme : Igor Devernay
« Bourdelle. La mémoire des objets » fait suite à l’exposition éponyme au musée Ingres Bourdelle de Montauban (7 juillet – 12 novembre 2023), co-organisée par le musée Bourdelle et le musée Ingres Bourdelle.
Fils d'ébéniste
Né à Montauban (Tarn-et-Garonne), Bourdelle évoque souvent ses origines régionales et familiales dans ses écrits, ses dessins, ou les interviews données aux journalistes. Il aime souligner ce que son art et sa personnalité doivent à ses racines, à ses « anciens ».
L’artiste fait preuve d’une grande dévotion pour son père ébéniste.
Il apprend auprès de lui l’importance de la structure, le sens de la construction, la subordination des détails à l’effet d’ensemble : autant de principes constitutifs de sa sculpture.
En 1886, malgré ses maigres ressources, le jeune Bourdelle fait venir ses parents à Paris. La mère meurt bientôt. Le père poursuit une activité d’ébéniste dans une échoppe ouverte sur la rue, actuellement au numéro 16. L’établi, les outils, une commode miniature - chef-d’œuvre de compagnonnage -, le tampon encreur d’« ébéniste-sculpteur à Montauban » sont conservés au musée.
Bourdelle est manifestement fier des fauteuils « néo-gothiques » réalisés par son père, placés dans ses ateliers. Il aimait se reposer sur ces sièges et y faire poser les personnalités dont il réalise le portrait, comme le président de la République argentine Marcelo de Alvear en 1922.
Une enfance pastorale
Bourdelle garde la nostalgie du monde agreste de son enfance. Dans son regard d’adulte, la campagne du Quercy se confond avec l’Hellade (la Grèce antique). Il aime évoquer son grand-père et son oncle chevriers et raconter qu’enfant, il a gardé les troupeaux.
L’artiste accroche une cloche d’alpage au mur de son appartement, plus tard suspendue dans l’atelier de sculpture. Elle évoque la vie pastorale, avec laquelle Bourdelle cherche à renouer en 1908 : il passe l’été dans une ferme à Villard-de-Lans (Isère), avec sa famille. Il dessine les troupeaux et se lie d’amitié avec un bélier. Ce séjour inspire plusieurs sculptures à son retour.
Bourdelle a toujours conservé la petite syrinx (flûte de Pan) avec laquelle son grand-père menait les chèvres. La musique rustique de la flûte de Pan a bercé l’enfance de Bourdelle, qui en jouait parfois.
La flûte de Pan porte le nom de cette divinité champêtre aux oreilles pointues, aux pieds et aux cornes de chèvre, dont elle est l’attribut. L’instrument de musique est un véritable pont entre son Quercy natal et la mythologie grecque. Bourdelle représente souvent cet instrument de musique dans ses sculptures et dessins, il irrigue toute son œuvre. Symboliquement, Bourdelle offre à son tour une syrinx à sa fille Rhodia, alors bébé, lors de vacances à Saint-Antonin (Tarn-et-Garonne) en 1912.
Les souffles du Quercy
Bourdelle reste toute sa vie attaché à Montauban et sa région, dont il garde la nostalgie. Ses débuts sont soutenus par des personnalités montalbanaises. Il conserve des amitiés durables au pays, comme le poète Auguste Quercy et son frère Jules, ou l’ethnographe Antonin Perbosc. Il entretient avec eux une correspondance émaillée de paragraphes en langue d’oc.
Bourdelle possède une bibliothèque d’ouvrages d’écrivains en langue d’oc, appelés félibres. Il relit régulièrement Césette, Histoire d’une paysanne d’Émile Pouvillon, qu’il a illustré pour un projet d’édition. Occitan dans l’âme, Bourdelle dit « sculpter en patois ».
De sa belle voix de baryton, il chante souvent, en langue d’oc : « Qui ne l’a pas entendu chanter ne le connait pas », affirme un ami. L’artiste s’interrompt parfois dans son travail pour chanter, tout en jouant sur son harmonium portatif. Ses improvisations sont puissantes comme les vents de sa terre natale : « Il lui semble alors que tous les souffles du Quercy gonflent sa poitrine. »
Une lampe pour monument
En 1919, Bourdelle reçoit la commande d’un monument aux morts pour la ville de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire).
Après s’être imprégné des lieux et avoir visité un puits de mines, Bourdelle voit dans ce projet l’occasion, non seulement de glorifier les mineurs morts à la guerre, mais aussi de réaliser un monument à la gloire de leur travail de l’ombre. Il rend également hommage aux « cafus », les femmes employées au triage du charbon. Bourdelle s’inscrit ainsi dans la continuité des monuments au travail de la fin du XIXe et du début du XXe siècles imaginés par Jules Dalou, Auguste Rodin ou Constantin Meunier.
Bourdelle donne au monument la forme d’une lampe de mine. Sur les bas-reliefs, il représente les outils des mineurs, qu’il collecte pour les rendre précisément. Le sculpteur considère les outils comme des objets nobles, symboles du travail. Rien d’étonnant pour cet ouvrier infatigable, qui se lève à quatre heures du matin et trouve son accomplissement dans le travail.
Avec ce monument marqué du sceau du labeur, Bourdelle conçoit une œuvre formellement originale, qui renouvelle le genre du monument aux morts.
Objets de la sacralisation
Bourdelle meurt le 1er octobre 1929, peu avant son 68e anniversaire. Son visage et sa main droite sont moulés, pratique alors courante pour les hommes célèbres. Ces moulages en plâtre sont placés dans l’atelier de sculpture dans une vitrine, semblable à un « reliquaire » laïc.
Sa veuve Cléopâtre rapatrie son corps à Paris. Elle organise dans l’atelier de sculpture une chapelle ardente, où viennent se recueillir élèves, amis, personnalités, et une foule d’inconnus. La mise en scène est sobre et imposante, le Centaure mourant en est le point d’orgue : penchant sa tête au-dessus du cercueil, il semble pleurer son créateur. Bourdelle s’était souvent représenté en centaure, il voyait en cet être hybride mythologique « l’esprit maîtrisant la matière ». Par une sorte de transfiguration, le Centaure incarne désormais la figure du maître, sa présence dans l’atelier.
Le sculpteur est dorénavant Dans le monde de l'âme, titre d’un autoportrait dessiné dans lequel Bourdelle s’élance vers le ciel, porté par deux anges. Pour lui, toute création était une tentative d’« évasion au-delà des hommes ».
Avec ce monument marqué du sceau du labeur, Bourdelle conçoit une œuvre formellement originale, qui renouvelle le genre du monument aux morts.
Oeuvres ultimes, derniers témoins
[L'atelier de sculpture]
À partir de l’hiver 1928, la santé de Bourdelle se dégrade, la maladie l’éloigne des chantiers et l’oblige à modeler des œuvres de dimensions modestes. Affaibli, après l’inauguration du Monument à Mickiewicz en avril 1929, il part au Vésinet (Yvelines) dans la propriété de son ami, le fondeur Eugène Rudier. Il y meurt le 1er octobre 1929.
Tous les témoins s’accordent à dire que, malgré son épuisement physique, son ardeur créatrice ne faiblit pas, comme s’il s’empressait de jeter ses idées dans la glaise avant que la mort ne l’interrompe. Au Vésinet, Bourdelle crée tout un peuple de statuettes, dont une sélection est présentée autour du moulage de la main droite qui les a modelées. Ce moulage « sur le vif » fut pris le 24 septembre, une semaine avant sa mort.
Son dernier Autoportrait modelé est sans doute réalisé avec l’aide de son épouse Cléopâtre. Symboliquement, Bourdelle s’est également représenté en Asclépios, le dieu gréco-romain de la médecine, et en Cavalier de la Chimère, ce rêve qui l’a porté vers la création.
Dossier de presse "Bourdelle. La mémoire des objets" (PDF - 1.1 Mo)
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